Peut-on considérer Christine comme une icône de la féminité triomphant des obstacles imposés par des sociétés patriarcales ? En d’autres termes, les femmes d’aujourd’hui peuvent-elles s’identifier à la Reine Christine de Suède ?
A cette question la réponse est simple. Certainement pas. Car Christine que le dramaturge Marc Michel Bouchard a représentée sous les traits de « La reine garçon », une pièce donnée à Montréal en 2012, n’est en rien représentative du combat des femmes.
Contrairement aux suffragettes qui ont combattu pour donner à leur sexe le doit d’influer sur l’histoire, Christine n’était femme que par défaut. Son combat, strictement individuel, n’était en rien une lutte pour la cause de ses semblables. Femme de caractère et de grand savoir, être de passion, Christine n’a tout au long de sa vie, défendu qu’une cause : la sienne. Elle a revendiqué le droit à la liberté de choisir pour elle-même d’abord et, peut-être pourrait-on dire, pour elle exclusivement.
Elle n’en est pas moins une personnalité admirable par bien des aspects, à commencer par son choix de la tolérance religieuse en un siècle, le XVII°, où celle-ci n’était pas de mise. Reine à 6 ans d’un pays luthérien qui exclut tout autant le calvinisme que la religion catholique, Christine devenue adulte refuse de se laisser embrigader. Elle abjure la foi qu’on lui a imposée durant son enfance. Fait-elle le bon choix en prêtant allégeance à Rome ? A-t-elle connaissance de l’inquisition, des bûchers où sont sacrifiés indifféremment sages femmes, sorcières et scientifiques tenants de la pluralité des mondes ? Il n’en reste pas moins qu’elle refuse l’héritage, à tous les sens du terme : l’héritage d’une religion sévère et pesante en même temps que celui de la royauté. Ses errements, si errements il y a, n’excluent pas l’admiration que l’on peut ressentir pour son courage.
Le deuxième de ses choix, ou peut-être le premier en date et en importance, ne nous touche pas moins. Son amour pour la connaissance, sa volonté d’en savoir toujours plus, de fréquenter les grands esprits de son époque, de s’enrichir d’eux et de les aider de ses finances lorsque le besoin s’en fait sentir, ne peut que nous paraître remarquable.
En somme, la reine Christine est à l‘image de chacun de nous. Même si cette européenne avant la lettre névrotique et irritante, fascinante par l’ampleur de ses qualités et de ses défauts, s’est montrée tout au long de sa vie excessive nous faisons nôtre sa volonté forcenée d’exister à la face du monde à une époque où les femmes les plus éminentes se devaient de faire profil bas. Féministe malgré elle, elle s’est revendiquée libre en un siècle où la liberté n’était pas acquise pour les hommes –on se souvient des libertins- et encore moins pour les femmes.
Aujourd’hui Christine de Suède, dans sa diversité et ses incohérences, reste d’actualité. Dans neuf pays d’Europe, des colloques, des conférences, des concerts ont évoqué, au cours de l’année 2016, sa mémoire . Toulouse n’a pas été en reste. L’association Christine de Suède l’Européenne a organisé une série de manifestations culturelles en son honneur et l’université Jean Jaurès a programmé pour mars 2017 un colloque qui permettra de découvrir d’autres facettes de cette femme exceptionnelle. En attendant mars, le public pourra la découvrir en décembre à l’Université de tous Ages de Montauban grâce à une conférence sur « Christine de Suède ou la passion du savoir ».
Un intérêt constituant une preuve de plus, s’il en était besoin, qu’on peut compter Christine dans la longue liste des femmes remarquables qui, d’Hypatie à Marie Curie -pour ne pas empiéter sur la riche histoire des XX° et XXI° siècles – ont su éclairer leur époque.